Artiste incontournable de la scène manga et illustration contemporaine depuis ces dernières années, Acky Bright n’a jamais cessé de créer un pont entre les cultures et les imaginaires. Après un passage remarqué à l’Anime Expo 2025 de Los Angeles, où il a animé un panel interactif et captivé un public toujours plus large sous nos yeux, il nous narre son parcours, ses inspirations, ses collaborations et sa vision d’une création sans frontières. Rencontre avec un artiste qui nous a marqué lors de notre passage en Californie pendant la convention.

Ravie de t’accueillir aujourd’hui ! Tu viens de clôturer un panel à l’Anime Expo 2025 de Los Angeles auquel on a eu la chance d’assister. Comment as-tu vécu l’événement, et quelles impressions t’en restent-ils ?
J’adore ce panel, car les participants me disent toujours à quel point ils le trouvent intéressant. C’était ma troisième participation à Anime Expo, et à chaque fois, je sens vraiment que le nombre de fans augmente. Cette année, on avait réservé la plus grande salle en prévision d’un gros projet qui a finalement été reporté à l’automne : j’étais un peu inquiet de remplir la salle sans ce projet, mais au final, j’ai été très heureux de voir autant de monde venir.
Tout à fait ! Du succès, il en a eu. Pour ceux qui n’ont pas pu te voir à AX cette année, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis mangaka et illustrateur japonais, mais actuellement, environ 90 % de mes projets concernent l’Amérique du Nord. Ce qui m’a rendu le plus célèbre, c’est la campagne mondiale “WcDonald’s” lancée par McDonald’s en février dernier, leur première campagne internationale utilisant l’anime et le manga. Elle a eu un énorme écho partout dans le monde. Je fais aussi bien du manga que des comics pour DC ou Marvel, et je suis également connu pour mes live drawings sur de grandes toiles, en freestyle devant le public.
Ton panel “Visual Jukebox” était à la fois ludique et interactif, avec des jeux de dessin en direct et beaucoup d’échanges avec le public. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ces interactions en temps réel avec ton public ?
La plupart des gens découvrent l’art via leur téléphone, leur ordinateur ou des livres, mais j’aime aussi voyager et réaliser des live drawings, peindre en freestyle sur de grandes toiles. Ce que j’adore, c’est de pouvoir partager avec le public cette sensation de voir un univers naître et s’étendre sous leurs yeux, en temps réel.
Cette année, tu as teasé une grande collaboration prévue pour octobre. Peux-tu nous en dire un peu plus, ou au moins partager ce qui t’enthousiasme le plus dans ce projet ?
Je ne peux pas vraiment en dire plus pour le moment, mais c’est le plus gros projet de ma carrière. Encore un peu de patience : je promets que ce sera quelque chose de totalement nouveau et surprenant pour tout le monde.
En revenant sur l’année écoulée, quel moment ou quelle collaboration illustre le mieux ton évolution en tant qu’artiste international ? En quoi as-tu le plus grandi selon toi ?
J’ai touché à énormément de domaines : manga, comics américains, design de personnages pour l’animation 2D/3D et le live-action, voyages pour des événements live, expositions personnelles dans des musées… Cette diversité, c’est devenu mon identité créative. Je crois que ma plus grande évolution, c’est d’avoir compris que je veux continuer à explorer librement tous ces univers.


Kenji Watanabe (Digimon) t’a qualifié de “génie”. La reconnaissance de tes pairs influence-t-elle ta motivation ou tes ambitions créatives ?
C’est un immense honneur ! Ce milieu est fait de hauts et de bas, une vraie traversée où compliments et critiques s’alternent. Être reconnu par d’autres artistes qui vivent la même chose, c’est vraiment précieux pour moi.
Ton portfolio couvre désormais la musique, le jeu vidéo, la mode, la gastronomie, la parfumerie… Comment choisis-tu tes projets ? Qu’est-ce qui te fait dire “oui” à une nouvelle collaboration ?
Le critère principal, c’est de me dire “ce projet, il n’y a que moi qui puisse le faire”. Si je pense que d’autres pourraient aussi bien le réaliser, même avec de bonnes conditions, je préfère refuser. Mais une fois engagé, peu importe l’ampleur, j’y mets la même énergie que si je créais ma propre licence.
Personnellement, je retiens ta collaboration avec McDonald’s Japon – notamment la vidéo virale avec Ado × YOASOBI × Hoshimachi Suisei. Quel a été le plus grand défi de cette campagne ?
C’était la troisième année de cette série, donc il y avait déjà une grande confiance au sein de l’équipe, et un univers bien établi. C’était surtout un projet où je me suis beaucoup amusé. L’équipe créative réunie ici est vraiment un “dream team”, parmi les meilleurs du Japon, donc c’était aussi très stimulant.

Tu navigues entre pop culture japonaise et occidentale, travaillant pour DC Comics, Capcom, et bien d’autres. Abordes-tu ces univers différemment ?
J’ai la chance de pouvoir m’exprimer dans de nombreux styles, donc je m’auto-produit et j’adapte mon approche à chaque projet. C’est une partie du processus que j’adore. Mais le noyau de ce que je fais, l’essence d’Acky Bright, reste inchangé, et je pense que c’est ce qui plaît à mon public.
Comment fais-tu le lien entre ces cultures ? Beaucoup de fans te voient comme un pont entre le manga et le comic occidental. Qu’apporte chaque tradition à ton art, et comment parviens-tu à les fusionner ?
J’ai été fortement influencé par l’âge d’or du manga et de l’anime japonais, mais aussi par les comics américains, Disney ou Star Wars. J’ai donc une base naturellement hybride. Il y a de vraies différences de construction entre le manga (centré sur les bulles) et le graphic novel (qui exploite toute la page comme une œuvre). J’essaie de naviguer entre les deux, tout en cherchant de nouvelles formes d’expression.




Avec l’essor de l’IA dans le monde de l’art, quel est ton regard sur ces outils ? Penses-tu que l’IA va influencer ta propre démarche créative, ou le secteur en général ?
Si je me compare à un chef, je ne pourrais pas satisfaire mes clients en leur servant des plats tout prêts ou préparés par d’autres. Comme pour le live drawing, j’aime autant imaginer la recette que préparer le plat. À ce stade, je ne vois pas où l’IA pourrait s’intégrer dans ma pratique. Mais, à l’échelle de l’industrie, l’IA est déjà devenue une infrastructure incontournable. J’avoue que la première fois que j’ai découvert l’IA générative, ça m’a un peu secoué, comme beaucoup. Cela m’a fait prendre conscience que la façon dont on s’engage avec l’art, au quotidien, est plus importante que jamais.
Les réseaux sociaux ont contribué à bâtir ta communauté internationale. Quelle est ta philosophie aujourd’hui pour partager tes œuvres en ligne, et quel conseil donnerais-tu aux jeunes artistes ?
C’est vrai qu’au début, je mettais beaucoup d’importance sur les réseaux sociaux, mais à force de réfléchir aux algorithmes, ça m’a épuisé. Aujourd’hui, je les utilise avant tout pour échanger avec les fans qui me connaissent déjà. Que le nombre de followers monte ou baisse, ou que les likes soient nombreux ou non, je ne rattache plus ces chiffres à ma valeur personnelle. Si des jeunes artistes se sentent stressés par ça, je veux leur dire : ne vous en souciez pas, ce n’est pas ça qui compte.
Revenons un instant à AX. Lors de ton panel, tu as évoqué ta passion pour Monster Hunter et ton arme favorite, la grande épée. Comment cette passion pour le jeu vidéo influence-t-elle ton character design et ta narration ?
Mon attrait pour la grande épée vient du manga Berserk. C’est un type d’arme que je dessine souvent. Par exemple, mes personnages féminins avec de grandes mains mécaniques sont sans doute inspirés de là. Pour moi, il est essentiel, en tant qu’artiste, de commencer par dessiner ce qui m’enthousiasme personnellement.


On dit souvent que ton style est à la fois “mignon” et “cool”. Comment as-tu développé cette signature visuelle ? Y a-t-il des artistes ou influences qui t’ont particulièrement inspiré ?
Je n’y ai jamais vraiment réfléchi, mais le terme “kawa-kakkoii” (mignon mais cool) est devenu ma marque de fabrique. J’aime mélanger des éléments opposés – organique et mécanique, par exemple. Mon motif “fille + méca”, qui m’a fait connaître, est né du fait que je n’étais pas à l’aise pour dessiner des femmes : pour m’entraîner, j’ai fusionné le féminin avec le méca, par pudeur, et ce mélange a eu un succès inattendu.
Tu as terminé ton panel à AX en annonçant un projet très personnel à venir. Que peuvent attendre les fans d’Acky Bright pour l’année à venir, et qu’aimerais-tu leur transmettre à travers ce nouveau chapitre créatif ?
Ce nouveau projet, c’est quelque chose que seul un artiste japonais ayant construit sa carrière en Amérique du Nord peut réaliser. Je pense que ce sera vraiment inédit, même pour l’industrie. J’espère que tout le monde l’attend avec impatience.
Merci pour ton temps – on espère te revoir à Los Angeles l’an prochain, ou même avant !
Merci à toi pour cette opportunité !
Un énorme merci à Lucas pour la mise en place de cette interview, à Chanse, ainsi qu’à l’intéressé lui-même, Acky Bright.
