MTV sera officiellement « partie » le 31 décembre. L’annonce, relayée ces derniers jours, acte moins la disparition d’une chaîne que la fermeture d’un chapitre collectif. Car MTV n’a jamais été seulement un canal de diffusion. Elle a été un langage, une manière d’entrer dans la musique par l’image, de comprendre une époque par ses codes visuels, ses coupes, ses génériques.

Pour autant, il faut être précis sur ce que signifie ce « départ ». La marque MTV ne disparaît pas. Elle continue d’exister à travers ses programmes de pop culture et de téléréalité. Mais uniquement sa brand. Ce qui se referme, en revanche, c’est tout un écosystème de chaînes historiquement associées à la musique, son identité donc, et notamment à la diffusion continue de clips, dont la fermeture est désormais actée. Toutes chaînes globales et régionales comprises.

Pendant des décennies, MTV a fabriqué une grammaire mondiale. Le clip n’était pas un simple support promotionnel. Il devenait une scène, un récit, parfois une provocation, souvent un manifeste esthétique. À travers ses rotations, ses émissions et ses rendez-vous événementiels, la chaîne a contribué à fixer des visages, à accélérer des carrières, à installer des mythologies. Elle a aussi imposé une idée très particulière de la pop, plus rapide, plus visuelle, plus immédiatement partageable, bien avant que les plateformes ne transforment cette logique en réflexe.

Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la confirmation d’un basculement déjà entamé. La musique a quitté la télévision depuis longtemps, aspirée par YouTube, puis par TikTok, par les formats courts, par l’algorithme et par la vitesse. Dans ce paysage, MTV s’était progressivement déplacée, changeant de centre de gravité, jusqu’à devenir autre chose qu’un repère musical. L’officialisation de ces fermetures agit donc comme un tampon sur une réalité connue, mais elle a la force symbolique des noms qui comptent.

Il reste une question, plus intéressante que la nostalgie. Que perd-on exactement quand l’ère des chaînes musicales se termine officiellement. On perd un espace de mise en scène commun, un lieu où la musique se regardait au même moment, où l’on pouvait tomber sur un clip sans l’avoir cherché, où l’on apprenait des artistes par surprise, par friction, par hasard. On perd aussi une certaine idée de la culture pop comme rendez-vous, avec ses codes, ses excès, ses moments de grâce, et cette capacité à créer des références partagées au-delà des frontières.

La disparition de ces chaînes ne dit pas que la musique est moins vivante. Elle dit que l’époque ne lui donne plus le même théâtre. Aujourd’hui, tout est disponible, tout le temps, partout. Mais l’abondance n’a pas remplacé l’expérience collective, ni la sensation d’un flux qui, parfois, vous prend de court et vous change l’oreille. MTV, à sa manière, organisait ce hasard.

Il est tentant de résumer cette fin à un symbole de plus dans la longue liste des marques qui s’effacent. Pourtant, MTV n’était pas seulement une marque. C’était une signature visuelle, un rythme, une manière d’archiver le présent en direct. Son « départ » officiel ne ferme pas la musique. Il ferme une porte sur la façon dont une génération l’a vue, l’a comprise, l’a vécue. Or, la musique ne se consomme pas. Elle se vit.

Collaboration presse officielle

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Posted by:Demona Lauren

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