Rencontre avec Kim Taeyang, un jeune réalisateur coréen à la sensibilité singulière, qui nous invite à plonger dans Mimang, son premier long-métrage à la fois intime et universel. À travers ce film ancré dans les ruelles de Séoul et porté par une réflexion sur la mémoire et les liens humains, Kim Taeyang partage un récit empreint d’autobiographie et de poésie. Dans cette interview, il revient sur ses inspirations, ses choix artistiques et sa vision unique du cinéma coréen, tout en levant le voile sur ses futurs projets prometteurs.
Marie-Line El Haddad : Pouvez-vous nous parler de votre inspiration pour le film et ce que « Mimang » représente pour vous ?
Kim Taeyang : Pour moi, les espaces sont essentiels. Je tenais à ce que la ville de Séoul, et en particulier le quartier de Jongno, serve de décor à mon film. C’est un quartier que je connais bien et que je fréquente régulièrement.
Mon inspiration, quant à elle, est venue de l’actrice principale du film, qui est une amie de longue date. Un jour, alors que nous étions dans la rue, elle m’a reconnu et m’a tapoté sur l’épaule. Ce moment simple a été le point de départ du film. En quelque sorte, « Mimang » est un souvenir de ma vingtaine.
MLEH : Le terme « Mimang » semble avoir au moins trois significations dans le film. Pouvez-vous expliquer votre choix pour ce titre et partager la définition qui vous tient personnellement à cœur ?
KT : Dans le film, on assiste à la projection d’un film de Park Nam-Ho intitulé « Mimangin » (qui signifie « La Veuve » et est sorti en mars 1955, ndla). Ce film raconte, pour simplifier, l’histoire d’un homme et d’une femme qui se suivent mutuellement. C’est une œuvre que j’apprécie beaucoup et qui m’a inspiré. J’ai donc repris le titre en supprimant la dernière syllabe, ce qui a donné « Mimang ».
Ce mot, d’origine chinoise, est un homonyme avec trois significations, ce qui en faisait un choix particulièrement riche pour un titre. J’y ai ensuite ajouté une quatrième définition, celle d’un « petit vœu ». C’était un souhait que j’avais envers mes personnages, un sentiment que j’espérais partager avec le public.
MLEH : Votre film semble empreint d’un aspect autobiographique. Y a-t-il des expériences personnelles ou des événements qui vous ont influencé dans l’écriture ou la réalisation ?
KT : Même si un jour je devais réaliser un film commercial, un film de genre ou d’action, je pense qu’il y aurait toujours une part de moi dans ce que je fais. Il est vrai que « Mimang » est autobiographique, mais pas à cent pour cent. Le montage et les avis de mon équipe technique et artistique influencent le résultat final.
Par exemple, la statue de l’amiral Yi Sun-Shin dans le film provient d’une anecdote personnelle avec l’acteur principal du film qui est un ami proche. Nous nous promenons souvent ensemble dans les rues de Séoul, et il aime m’expliquer le contexte historique des lieux. Ce sont des discussions intéressantes et amusantes.
J’aime collaborer avec mon équipe, et ces échanges donnent la touche finale au film. Donc oui, il y a une dimension autobiographique, mais elle inclut aussi les apports de tout le collectif.
MLEH : Comment s’est déroulé le processus de création de votre premier film ?
KT : Je marche beaucoup. Ce n’est pas dans le but de chercher quelque chose de particulier, mais simplement pour observer. Je regarde les gens, j’observe leurs gestes, et cela m’amène à imaginer et à inventer des histoires.
Puisque ces idées viennent de moi, il est naturel qu’une grande partie de mon être s’exprime à travers le film. D’une certaine manière, mes films sont ma vie, et ma vie s’incarne dans mes films.

MLEH : Aviez-vous une vision précise dès le début du projet ou le film a-t-il évolué au fil du tournage ? Je pense notamment au découpage en trois chapitres.
KT : Oui, j’avais une vision précise dès le départ, mais dans le respect de cette vision, j’étais ouvert aux changements et aux transformations.
Le découpage en trois chapitres était, pour moi, absolument nécessaire. Cette structure correspondait à ce que je voulais raconter. Je pense que les relations humaines ne peuvent pas se résumer à un seul événement. Par exemple, si l’on me demande pourquoi je fais du cinéma, je ne pourrais pas évoquer un déclic unique. C’est une accumulation d’expériences : être enfant, voir de nombreux films, croiser une équipe de tournage près de chez moi, être fasciné par la lumière d’un projecteur dans un cinéma, ou encore découvrir de grandes œuvres. Tout cela m’a construit et m’a amené là où je suis aujourd’hui.
MLEH : Quels thèmes principaux souhaitiez-vous explorer dans « Mimang » et quel message espérez-vous transmettre ?
KT : Quand je fais un film, je ne réfléchis pas en termes de thématique. Je ne me dis pas : « Je vais aborder ce sujet précis ». Il m’est donc difficile de répondre à cette question.
Cependant, la seule chose que j’espérais en réalisant « Mimang », c’est que les spectateurs puissent se replonger dans leurs propres souvenirs.
MLEH : Selon vous, en quoi le cinéma coréen est-il unique dans sa manière d’aborder des sujets profonds ou intimes comme ceux de votre film ?
KT : Chaque pays et chaque culture ont leurs spécificités. En Corée, nous avons vécu beaucoup d’histoires : la guerre, la division du pays, des tensions toujours actuelles. Ces expériences façonnent naturellement nos récits. Bien que cela soit également vrai ailleurs, nous sommes un petit pays avec une grande population, ce qui génère une multitude d’histoires à raconter.
MLEH : Comment décririez-vous votre style de réalisation dans « Mimang » et en quoi se distingue-t-il de ce qu’on voit habituellement dans le cinéma coréen ?
KT : Je pense que chaque film a son style propre. Il n’existe pas de « style type » pour le cinéma coréen. J’essaie simplement de faire mes films à ma manière.
Actuellement, les plateformes de streaming tendent à privilégier des montages rapides et des rythmes soutenus. Moi, je prends le contre-pied : je préfère les plans longs, où l’on peut laisser son regard se poser sur chaque détail de la scène.
MLEH : Quels sont vos projets futurs ? Envisagez-vous d’explorer d’autres formats comme les courts-métrages, l’animation ou encore les documentaires ?
KT : Après « Mimang », j’ai déjà terminé un court-métrage sur la danse contemporaine, et je travaille actuellement sur un autre court-métrage muet également axé sur la danse.
Pour les longs-métrages, j’ai finalisé le scénario d’un film intitulé « Histoire de Séoul ». Il raconte l’histoire d’une grand-mère et de sa petite-fille qui montent à Séoul. Le film suit leur voyage dans la capitale. Si tout se passe bien, il devrait sortir à l’été 2025 !
Le Festival du Film Coréen à Paris c’est fini pour 2024 ! Mais le festival revient l’année prochaine pour célébrer sa 20ème édition! Suivez toute l’actualité du FFCP sur le site web ou leurs réseaux sociaux.
