Que voyez-vous quand vous regardez l’art dans les yeux ? Que ressentez-vous au fond de vous lorsque vous observez une photo pour la première fois ? Tout est une question de perspective et d’interprétation.
Chez certains, la séance photo récemment publiée dans le magazine Super Elle éveille un sentiment et une symbolique bien spécifiques. Ces clichés incarnent une dualité captivante entre délicatesse, positivité et obscurité – un contraste saisissant qui transcende ici la simple esthétique pour explorer les nuances complexes de la fragilité humaine.
Paré de teintes sombres de rouge sang et d’ébène, et d’un maquillage des yeux rougeâtre évoquant une qualité spectrale et presque hantée, Hwang Hyunjin porte également un sac à main unisexe orné d’un porte-clés pelucheux, rappelant la douceur d’un jouet en peluche. Cette juxtaposition d’éléments doux, presque candides, et plus gloomy invite à une profonde contemplation sur la nature même d’un sentiment : la vulnérabilité.




Les Couleurs de l’Âme

Le photoshoot de Super Elle se distingue par une utilisation magistrale des couleurs et des éléments visuels pour créer une atmosphère à la fois sombre et intrigante. Les couleurs dominantes, telles que le rouge sang et le noir, sont accentuées par un travail d’édition qui les rend encore plus intenses et menaçantes à la Edvard Munch. Le maquillage rougeâtre appliqué sous les yeux de Hyunjin évoque une fatigue émotionnelle, une tristesse latente, renforçant l’impression de vulnérabilité.

Les symboles et les tons habituellement associés à la douceur et l’innocence se trouvent ici plongés dans une ambiance sombre, une dichotomie avec une saturation de tons plus criards, créant une tension visuelle et émotionnelle. Un contraste profondément renforcé par l’expression du modèle, à la fois mélancolique et résolue.



Pour comprendre pleinement la portée de ce contraste, Frida Kahlo, par exemple, utilisait sa propre douleur et vulnérabilité comme sources d’inspiration artistique, transformant ses souffrances en œuvres d’art d’une puissance émotionnelle inégalée. Dans des œuvres explorant la fragilité humaine et la résistance, la beauté peut émerger de l’incertitude.



En observant l’œuvre de Caravaggio, maître du clair-obscur, on retrouve également cette utilisation dramatique des contrastes visuels pour exprimer la dualité de l’expérience humaine.

En intégrant ces références, le photoshoot de Hyunjin dans Super Elle s’inscrit dans une tradition artistique et philosophique riche, où la vulnérabilité n’est toutefois pas perçue comme une simple faiblesse sur laquelle on s’arrête, mais comme une facette essentielle de l’expérience humaine, capable de révéler un élan intérieur insoupçonné.



Le Diktat de l’Émotion

L’interprétation du contraste entre douceur et obscurité dans ce photoshoot est essentielle pour saisir toute la profondeur du message véhiculé. L’expression de Hyunjin, apparaît comme un être fragile, dont la fragilité est quasi-simultanément contrebalancée par une force motrice palpable. La force de sa propre capacité à ressentir.
Ce déséquilibre visuel, artistique, violent et incandescent se fait le miroir honnête de la condition humaine, où la douceur et la fragilité coexistent avec la résilience et la détermination.



L’artiste Marina Abramović, que Hyunjin a pu rencontrer lors du défilé Versace SS25 à Milan et connue pour ses performances déroutantes et engagées, défend elle-même cette idée. Elle utilise sa propre mise en danger pour créer des œuvres qui défient et inspirent le public, démontrant que la fragilité peut être une forme de courage.

Lors d’un Instagram Live, Hyunjin avait tout justement déclaré qu’il n’y avait aucun mal à se laisser aller à ses émotions. Cette affirmation résonnant profondément avec le message du photoshoot, cette reconnaissance nous permettrait de développer une force d’âme, une maturité et une résilience qui transcendent les apparences.



Cela n’est pas sans rappeler Brené Brown, qui, dans son livre “The Gifts of Imperfection”, souligne que cette fragilité est une source d’empathie-miroir. Elle affirme que l’acceptation de nos faiblesses nous permettrait de nous connecter plus profondément avec nous-mêmes, de grandir et d’évoluer. Je suis parce que je ressens.



Chercheuse en sciences sociales, Brown consacre une grande partie de sa carrière à son ouvrage dans lequel elle défend l’idée qu’il ne s’agirait pas toujours d’un obstacle, mais d’un moteur humain. La capacité à s’ouvrir émotionnellement, à accepter ses imperfections et à prendre des risques affectifs serait essentielle pour établir des connexions authentiques avec son propre corps et esprit. Brown souligne que les personnes qui embrassent leurs imperfections sont souvent de ce fait celles qui vivent de manière plus complète, mais aussi authentique.



L’Artiste Serait-il Inhérement Vulnérable ?

Le photoshoot de Super Elle avec Hyunjin nous invite inévitablement à nous interroger sur la relation intrinsèque entre l’art et la vulnérabilité. L’artiste, par essence, se met souvent à nu, parfois avec angoisse, exposant ses émotions, ses pensées les plus intimes et ses expériences personnelles.
“Je ne crois pas en l’art qui n’est pas le résultat compulsif de l’envie de l’homme d’ouvrir son cœur”, nous disait Munch.
Cette exposition peut être perçue comme une forme de vulnérabilité inhérente, où l’artiste se rend accessible au jugement et à l’interprétation du public.



Bien sûr, tous les arts ne sont pas nécessairement vulnérables. L’art peut également être un moyen de masquer ou de transcender les émotions, de créer des œuvres opaques et sciemment distantes et parfois moins émotionnellement chargées. Est-ce toutefois le cas ici ?



Dans le cas de Hyunjin, l’art est profondément émotionnel. Qu’il danse, qu’il peigne, qu’il parle, qu’il rit, qu’il filme, il est ce qu’il fait. À l’instar du photoshoot Super Elle, le risque est assumé, où chaque élément visuel est chargé de symbolisme et d’émotion. Ici, la peluche, les couleurs contrastives, l’expression mélancolique sont autant de signes d’une césure intérieure qui invite le spectateur à l’introspection.

L’art émotionnel, tel que perçu chez Hyunjin, peut être vu comme une forme de décharge émotive, permettant à l’artiste de transformer ses vulnérabilités en un élan créatif et créateur d’identité.



Finalement, l’art et la vulnérabilité sont certes intimement liés, mais cette relation varie en fonction de l’artiste et de son approche. L’art peut être un refuge, un masque, ou une fenêtre ouverte sur l’âme du créateur. Chez Hyunjin, l’art est une célébration de l’incertitude, ponctuée de chemins sinueux parfois instables entre raison, chaos, passion, obsession et détermination, mais surtout une invitation à embrasser passionnément ces émotions pour mieux trouver la force positive dans notre fragilité.

Photographie : Lee Min Gyu pour ELLE

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Posted by:Demona Lauren

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