Alors que le groupe japonais &TEAM est actuellement en pleine promotion dans le cadre de ses grands débuts sur la scène coréenne, il est grand temps de se pencher plus en détails sur leur œuvre, un mini-album aussi éclectique qu’ambitieux. « Back to Life » propose six nouvelles pistes, traversant le rock, le hip-hop, le rétro et le R&B, et s’impose déjà comme l’un des projets les plus retentissants de l’année.
Pour célébrer cette sortie, Séoul s’est parée aux couleurs du groupe : HYBE Labels a transformé son siège en un écrin décoré à l’effigie de &TEAM, tandis que la N Seoul Tower, monument emblématique de la capitale, s’est illuminée pour marquer l’instant. Cette ferveur n’est pas un hasard. Après le succès de « Go in Blind », certifié million seller plus tôt cette année, &TEAM enchaîne avec un second million record en 2025, confirmant une ascension irrésistible et un engouement mondial qui dépasse les frontières !

Mais au-delà des chiffres, « Back to Life » est avant tout un récit qui tient la route. À travers leurs six morceaux, les neuf membres explorent la résilience, l’identité, la force du collectif et la quête de sens, en tissant des ponts entre leurs racines japonaises et l’imaginaire coréen. Chaque titre devient un espace de dialogue entre la lumière et l’ombre, l’instinct et la raison, la tradition et l’avant-garde.
À l’occasion de la sortie ce jour du MV du morceau B-side, Lunatic, nous plongerons dans chaque piste, en décryptant ses références, ses audaces musicales et ses résonances philosophiques, pour comprendre comment &TEAM, en « revenant à la vie », invente un langage pop qui lui est propre, hybride et universel à la fois. Fondamentalement &Team-Pop.
Back to Life
Porté par une fusion explosive de rock et de hip-hop enivrante, le morceau frappe par son énergie et sa volonté de transcender les cicatrices du passé. Ici, &TEAM ne se contente pas d’annoncer un retour, mais d’une renaissance, d’un élan collectif qui transforme la vulnérabilité en force. Collective, comme individuelle, à l’instar des loups.
La chanson s’ouvre sur la reconnaissance des blessures, ces traces invisibles accumulées au fil des épreuves. Mais loin de s’y complaire, le groupe choisit de les exposer pour mieux les sublimer. Cette démarche reste profondément japonaise dans sa façon d’embrasser l’imperfection. On pense au kintsugi, cet art de réparer la porcelaine brisée avec de l’or. Plutôt que de masquer les cassures, le kintsugi les met en valeur, faisant de la blessure une partie précieuse et unique de l’objet. La démarche émane d’une philosophie qui invite à accepter ses cicatrices, à les sublimer plutôt qu’à les effacer, et à voir dans chaque faille la preuve d’une histoire. C’est cette philosophie dont hérite le groupe ici, dont l’idée rencontre la tradition coréenne du fantasme du dépassement de soi, omniprésente dans la K-pop.

Le refrain, puissant et à la lisière de l’hymne, devient alors un cri de ralliement. Au cœur de la bataille si bien décrite dans le clip musical, les neuf membres s’unissent pour affronter l’avenir, portés par une détermination contagieuse. On perçoit dans cette dynamique de groupe l’écho des philosophies collectives asiatiques, où l’individu s’élève par et pour la communauté. « Back to Life » n’est pas seulement un retour, c’est une promesse, celle de grandir ensemble, de s’ouvrir au monde, et d’oser la scène globale.
Musicalement, la tension entre les riffs de guitare et les beats hip-hop traduit ce tiraillement entre passé et futur, tradition et modernité. Le choix de cette hybridation sonore incarne la volonté du groupe de dépasser les frontières, de s’affirmer comme un pont entre le Japon, la Corée, et le public international.
Au fil du morceau, une question s’impose : comment transformer ses failles en moteur ? &TEAM répond par l’action, l’union, et la foi dans la possibilité d’un nouveau départ. “Back to Life” s’impose ainsi comme une ouverture magistrale, à la fois confessionnelle et conquérante, qui donne le ton de tout le mini-album. Et quel ton ! Exquis !

Lunatic
Avec “Lunatic”, &TEAM plonge l’auditeur dans un univers nocturne et fiévreux, où la folie et la lune s’entremêlent pour évoquer la transformation, la révolte et l’instinct. Le choix du titre, à la fois international et chargé de symboles, invite à explorer la frontière ténue entre la raison et la démesure. La figure du loup qui s’éveille sous la pleine lune s’impose ici en filigrane, convoquant à la fois la mythologie japonaise, où l’animal est souvent porteur de puissance et de mystère, et l’imaginaire du principal pays hôte de cet album, qui valorise la métamorphose comme épreuve initiatique.
Rock et hip-hop célèbrent ensemble le passage de l’échec à une nouvelle vie. “Lunatic” va au-delà de la simple description d’une chute, il en fait une force, la folie devenant le moteur d’une réinvention de soi. Cette idée résonne avec la philosophie existentialiste (Camus ou Kierkegaard auraient peut-être été LUNES !), où l’acceptation de l’absurde, de la part d’ombre, devient la condition d’une liberté nouvelle.
En termes de sonorités, la tension entre les guitares saturées et les rythmes syncopés crée une atmosphère de lutte intérieure, de chaos créatif. On retrouve ici l’influence de la (ô magnifique) scène J-Rock des années 90, mais aussi la volonté de s’approprier les codes de la K-pop contemporaine, où la performance scénique et l’expression de l’émotion brute sont érigées en art.
“Lunatic” est aussi un hommage à la jeunesse, à sa capacité à transformer la frustration, l’échec ou la marginalité en énergie vitale. La lune, dans sa symbolique universelle, devient le miroir de nos pulsions les plus profondes, de ce désir de hurler sa différence, de s’affranchir des normes et de renaître dans la marge. Le tout réuni en un seul morceau avec la cohérence qui s’en impose.
En filigrane, une question traverse le morceau : faut-il se perdre pour se trouver ? &TEAM laisse la porte ouverte, invitant chacun à apprivoiser sa propre folie et à en faire le socle d’une identité renouvelée.

MISMATCH
Avec “MISMATCH”, le groupe change de registre et se dirige vers un hommage à la différence, à la synergie des contraires et à la puissance créatrice de l’altérité. Inspiré par le R&B des années 90, le morceau déploie une atmosphère à la fois nostalgique et résolument moderne, où la douceur des harmonies contraste avec la force du propos.
Le titre “MISMATCH”, littéralement, le décalage ou l’inadéquation, devient ici une célébration de l’improbable, de la rencontre entre des mondes que tout oppose. Cette idée, très présente dans l’esthétique japonaise (le wabi-sabi, l’art de l’imparfait, du fragmentaire, du non-aligné), résonne aussi dans la tradition coréenne, où la complémentarité des opposés est souvent vue comme source d’équilibre et de beauté.
À travers des paroles qui évoquent l’amour comme pont entre les différences, &TEAM interroge la notion même d’identité : sommes-nous définis par nos ressemblances ou par nos écarts ? Le morceau invite à embrasser la dissonance, à voir dans chaque “mismatch” une opportunité de création, d’ouverture et de dialogue.
La production soignée rappelle les grandes heures du R&B, mais s’autorise des incursions plus contemporaines, mêlant samples rétro et rythmiques modernes. Ce mélange, loin d’être artificiel et sans aucun fondement, incarne la philosophie du groupe : puiser dans le passé pour tenter d’imprégner l’avenir de sa présence, de son identité, et faire de chacune de ses différences un moteur, une inspiration.

Rush
Ici, &TEAM propulse l’écoute dans une course effrénée, voire un souffle d’urgence. Le morceau, résolument dansant, s’appuie sur une dynamique électrisante où chaque note semble précipiter le groupe vers l’avant, comme si l’élan était une question de survie une fois dans cet autre monde qui n’est pas le leur. Dès le premier “Non-stop we keep on speedin’”, le groupe propulse l’auditeur dans une cavalcade où chaque respiration, chaque battement, chaque goutte de sueur (“Three, two, one, starter pistol / Ima wie ttami maechyeo”) devient le signe d’un engagement total. La vitesse n’est plus simplement un effet de style : elle devient la condition même de l’existence, le refus de regarder en arrière (“I’m never switchin’ up, don’t look back”), l’affirmation d’une identité forgée dans l’action. Ici, la vitesse devient moteur d’émancipation.
Le morceau célèbre la capacité à transformer l’adversité en moteur (“Dakchyeool eotteon wigido / Jeonbu mandeureo gihoero”), à faire du moindre obstacle une occasion de s’élancer plus loin. Un “no limit”, ce refus des frontières, des peurs. Même lorsque l’avenir semble obscur, la trajectoire reste ascendante, guidée par une lumière intérieure, un feu impossible à éteindre. Mais “Rush” s’inscrit aussi dans la tradition coréenne du “palli-palli” que le groupe revisite, cette philosophie du “vite, vite” qui irrigue la société et la pop culture locale. Le titre devient alors le point de rencontre de deux imaginaires : celui de la quête, de la conquête, du refus de la stagnation.
Le morceau multiplie les ruptures rythmiques, les accélérations soudaines, les envolées mélodiques, traduisant l’instinct de foncer, de saisir l’instant. La répétition du refrain (“Push to the edge, we rush”) agit comme un mantra, une incantation qui galvanise et unit. La lune, motif récurrent dans l’album, s’invite à nouveau : elle éclaire la nuit, accompagne l’élan, rappelle que même dans l’obscurité, il y a toujours une direction à suivre.
Véritable course contre la montre, l’avenir appartient à ceux qui osent allumer l’étincelle, même dans la nuit la plus sombre, transformant l’urgence en désir.

Heartbreak Time Machine
Avec “Heartbreak Time Machine”, &TEAM ralentit le tempo et plonge dans une introspection poignante davantage gouvernée par la douleur. Le morceau, construit comme une ballade rock, épouse le thème du voyage dans le temps, non pas pour fuir le passé, mais pour l’accepter comme un passage obligé.
Dès les premières paroles, la chanson évoque ces instants où l’on voudrait remonter le fil de l’histoire, effacer les blessures ou revivre un amour perdu. Mais ici, la « machine à remonter le temps » n’est pas un refuge, mais plutôt comme un outil pour apprivoiser la souffrance. Un mono no aware, cette conscience aiguë de la beauté éphémère et de la tristesse inhérente à toute existence si chère à la culture japonaise. La mélancolie n’est donc pas toujours une faiblesse, mais la preuve d’une vie pleinement ressentie.
La musique accompagne ce mouvement intérieur, alternant moments de fragilité et envolées cathartiques, comme un cœur qui hésite entre le regret et l’espoir. Les guitares, tour à tour douces et déchirantes, traduisent la tension entre l’acceptation de la perte et la volonté de se relever.
Who am I
En clôture de l’album, “Who am I” s’ouvre sur le doute, ce reflet dans le regard de l’autre, parfois étranger, parfois familier, qui interroge la place que l’on occupe dans le monde et dans le cœur de ceux qui nous entourent.
&TEAM plonge ici dans une introspection pudique, où la répétition de la question “Who am I to you?” devient une litanie, presque une prière. On y retrouve la peur de se perdre en cherchant à plaire, le désir d’être unique pour quelqu’un, mais aussi la crainte de disparaître dans la relation ou sous le poids des attentes. Cette dualité, entre affirmation de soi et angoisse de la dissolution, résonne avec l’idée d’ajustement de sa personne que l’on a dès l’ouverture de l’EP, dans “Back to Life” .
La ballade mid-tempo enveloppe l’auditeur dans une douceur mélancolique : la mélodie délicate, les harmonies aériennes, tout concourt à créer un espace de vulnérabilité partagée. C’est dans cette fragilité assumée que le groupe touche à l’universel. Qui n’a jamais ressenti ce vertige de ne pas savoir qui il est, ou ce besoin d’être reconnu, aimé, nommé ?
Au fil du morceau, la question “Who am I?” se transforme, n’appelant plus forcément de réponse définitive, mais uniquement rhétorique, invitant à accepter l’incertitude, la beauté de la recherche elle-même. &TEAM propose ici une conclusion ouverte, humble et lumineuse. L’identité n’est jamais figée, elle se construit dans l’échange, le doute, la tendresse, et dans la capacité à se réinventer au contact de l’autre et de soi-même.
Le mini-album Back to Life agit comme un miroir tendre et lucide. Il invite à embrasser la complexité de l’existence, à reconnaître la valeur des cicatrices, à célébrer la différence et à accepter l’incertitude comme moteur de croissance. Nul ne doit craindre de douter, car le doute fait partie de la vie. Chaque piste devient un jalon sur le chemin de la construction de soi, un guide poétique et philosophique qui encourage à avancer, même dans la nuit, même sans certitude. Le tout est de ne jamais cesser de vivre, de se chercher, d’aimer sans peur de se perdre, et de faire de chaque instant une occasion de devenir un peu plus soi-même.

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