Dans cet entretien, Mami Nakatani, créatrice de la marque Emamima, partage son parcours et la manière dont elle a construit son langage esthétique au fil des années. Son travail explore la simplicité, la poésie des formes et l’expression personnelle à travers le bijou. Cette conversation dévoile son processus créatif, ses influences profondes et sa vision d’une beauté intime, silencieuse et intemporelle.

Portrait d'une femme avec des boucles d'oreilles en argent de la marque Emamima, mettant en avant un style moderne et épuré.


Peux-tu nous parler de ton parcours personnel en tant que designer et de l’histoire derrière Emamima ? Qu’est-ce qui t’a inspirée à créer des bijoux sous ton propre nom ?
Depuis l’enfance, je suis passionnée par le dessin et la création d’objets, et je rêvais de devenir graphiste. Pour diverses raisons, j’ai dû renoncer à ce rêve, mais j’ai toujours voulu exercer un métier où je pourrais créer mes propres œuvres. Après l’université, lors d’un séjour à Londres, j’ai découvert les bijoux d’une jeune marque qui fabriquait et vendait ses pièces dans les marchés. Cette rencontre m’a profondément inspirée et m’a menée à créer mes premiers bijoux. Par la suite, j’ai étudié la joaillerie dans une école et fondé ma propre marque.

Tes créations reflètent une forte harmonie et une grande délicatesse. Quelles sont les influences — culturelles, artistiques ou émotionnelles — qui façonnent ton langage esthétique ?
En parler complètement serait presque impossible tant il y a de choses à dire. Adolescente, je ressentais une forme de rébellion intérieure face aux valeurs traditionnelles japonaises, surtout les restrictions imposées aux femmes. Malgré cela, j’ai toujours suivi mes envies : jouer de la guitare dans un groupe, faire de la photographie, rouler à moto…
À cette époque, j’aimais déjà les vieux films français des années 60 — notamment Jean-Luc Godard et Louis Malle. Leur sens du style, de la composition et la manière philosophique d’aborder le langage m’ont profondément marquée. J’ai également été influencée par l’art contemporain, qui ne se limite pas à la beauté visuelle, mais interroge les questions sociales et personnelles, souvent avec ironie.
De la culture japonaise, j’ai été touchée par la littérature de Sōseki Natsume et la poésie de Chūya Nakahara, qui expriment des émotions subtiles et difficiles à nommer. Dans les temples et jardins japonais — faits de pierres, de sable ou de simples salles de thé — on peut ressentir l’immensité du monde à travers la simplicité.
Aujourd’hui, après tout ce que j’ai étudié et vécu, j’essaie de me concentrer sur l’essentiel, en supprimant le superflu. Je me demande comment utiliser les matériaux, comment concevoir, comment éviter le gaspillage. Mon but est de créer des pièces qui expriment l’individualité, tout en s’harmonisant naturellement avec les autres et avec le monde. Si l’on ressent une passion à travers la simplicité de mes œuvres, cela me rend heureuse.

Un homme portant des boucles d'oreilles et un collier de la marque Emamima, vêtu d'une chemise blanche sur un t-shirt noir, avec un fond flou.

Emamima semble célébrer la beauté de la simplicité et du savoir-faire. Quelles valeurs souhaites-tu transmettre à travers tes bijoux ?
J’ai fondé emamima en 2003 au Japon. En 2015, j’ai orienté la marque vers des objets qui peuvent aussi aider à créer son propre espace. Cela inclut des bijoux et des sacs en matériaux naturels, des emballages en papier washi renfermant une bague, ou encore un sac pouvant servir de petite table (kit pour boire le saké).
Je trouve l’inspiration dans ce que je vois, ressens et imagine. Mes créations naissent du dialogue avec les matériaux : métal, cuir, bois, papier japonais. Je souhaite que les histoires et les expressions poétiques présentes dans mon travail relient les objets aux personnes, et les personnes entre elles.

Chaque pièce semble intime et intemporelle. Comment abordes-tu la conception et la fabrication à la main de tes collections ?
Les pièces d’emamima sont fabriquées à la main, à partir de matériaux et techniques japonaises. Je suis inspirée par les caractéristiques propres aux matériaux et par des idées qui permettent de créer des pièces durables.

  • Collection WABORI : Bijoux modernes utilisant la gravure et la coloration manuelles sur argent. 月 (lune), 花 (fleur), こころ (cœur).
  • Collection SUKIKOMI : Le bijou est intégré dans les fibres du papier washi lors de sa fabrication. L’emballage fait partie de l’œuvre. Un message personnalisé peut être ajouté.
  • Collection PRIMITIVE : Inspirée d’objets préhistoriques tels que pierres, coquillages ou pointes de flèche. Les formes courbes viennent de l’observation des mouvements libres de cordes ou de nouilles.
  • Collection ABSTRACT : Inspirée par l’architecture moderne, la sculpture ou les jardins secs japonais où les pierres représentent des éléments de la nature.

Quelles sont tes aspirations pour Emamima à l’avenir ?
Récemment, je me suis surtout concentrée sur les bijoux, mais j’aimerais revenir à la création d’objets et de sacs. D’un côté, créer des sculptures en métal comme pièces d’art contemporain ; de l’autre, concevoir des sacs élégants et pratiques pouvant transporter du café, un petit instrument ou d’autres objets personnels.
L’année prochaine, nous lancerons KEHAI, une collection de bijoux parfumés réalisée en collaboration avec un parfumeur et présentée à Tranoï.
Un petit cylindre en bois s’insère dans un charm en argent, permettant de déposer quelques gouttes de parfum. La senteur s’adapte selon le nombre de perles utilisées. Le parfum exclusif « Nihon Kaoku » évoque le bois ancien des maisons japonaises, le tatami et l’odeur du foin.

SITE WEB:

http://www.emamima.com

Bijoux en argent avec des inscriptions japonaises, disposés sur un fond violet.
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