N’avez-vous jamais rêvé de pénétrer dans l’esprit de Demna Gvasalia, de saisir ce qui traverse l’imaginaire du créateur avant la naissance d’une nouvelle collection ? Chez Gucci, Demna livre un carnet de bord personnel, où le désir, l’effronterie conceptuelle et l’émotion dictent le rythme d’une mode affranchie de toute rationalité.

« Je pense que la mode, c’est le FOMO » (‘Fear of Missing Out’), confie Demna. « La mode doit créer ce sentiment d’urgence, ce manque, ce désir irrationnel. Personne n’a vraiment besoin de mode, mais tout le monde peut ressentir ce vertige de ne pas avoir, de manquer. C’est là toute la magie. » Chez Gucci, il affine cette formule : susciter l’envie, provoquer le manque, transformer l’inutile en essentiel.


Pour sa première saison aux commandes de la maison italienne, Demna s’est plongé dans une recherche créative viscérale. Après une “La Famiglia” d’inspiration archétypale, il se libère désormais de l’intellect : « Je crée sans trop réfléchir, en laissant l’émotion filtrer chaque choix, plutôt que la raison ou le concept. » Cette spontanéité s’incarne jusque dans le lookbook, qu’il a lui-même photographié, clin d’œil à la mémoire collective de Gucci, à ces images qui déclenchaient jadis le FOMO le plus pur.


La collection est un collage d’époques et de références : de l’extravagance Tom Ford à la féminité glamour de Frida Giannini, en passant par l’héritage seventies et les réminiscences du XXIᵉ siècle. Mais le fil conducteur, c’est l’intime. Chaque pièce est pensée d’abord pour lui-même : le sac Lunetta Phone+, minimaliste et égoïste, la veste de cuir racer revisitée pour une coupe plus actuelle, la ballerine Valigeria rééditée à sa taille, ou encore les V-necks inspirés de ses propres envies adolescentes. « Je vais là où le désir me porte. »
Chez Demna, la provocation n’est jamais sans arrière-pensée. Il s’amuse à rendre étrange le banal, à transformer l’ordinaire en objet de convoitise. Mais chez Gucci, sa réflexion sur la silhouette évolue. « Mon esthétique Gucci est plus body-conscious, pour tous les genres. » Ce changement, il l’attribue à une réconciliation personnelle avec son propre corps, et à une volonté d’inclure toutes les morphologies. Il instaure un atelier à Milan, repensant le sizing et la coupe, loin des standards figés : « Je ne suis pas un bon designer si je ne peux habiller que des mannequins. »
La légèreté devient aussi une obsession : « Le vrai luxe, aujourd’hui, c’est la fluidité, la souplesse, la sensation d’apesanteur. » Un manteau de plumes sur mousseline, une veste en scuba laine aérienne, un travel suit en cachemire soyeux : chaque pièce défie l’idée reçue du luxe rigide et lourd. Même le jean se dépouille de ses coutures, le survêtement s’allège jusqu’à l’essentiel.
« La mode doit être edgy, » conclut Demna.

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Posted by:Demona Lauren

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