D’origine indienne, Tracy De Sá grandi en Espagne avant de s’intaller en France. Aprés un trés bel album “Commotion” l’année dernière, elle est de retour avec un nouveau single “Minifalda”, une ode a la mini-jupe qui sert à rappeller qu’aucun vêtement peut justifier une agression.
Instagram : @tracy.desa
Site internet : tracydesa.com

Petite présentation? D’ou viens tu?
Je m’appelle Tracy De Sa, je suis née en Inde, dans une ville qui s’appelle Goa qui est une ancienne colonie portugaise, j’ai vécu un an au Portugal quand j’étais petite, après j’ai déménagé en Espagne où j’ai grandit avant de bouger en France en 2011 pour faire mes études.
Tu te souviens de ton premier contact avec la musique ?
Mon premier contact avec la musique s’est fait avec la danse. Je me souviens quand j’étais au Portugal, je n’avais que 3 ans et mon grand-père me filmait en train de danser dans le salon. Ce premier contact a été par conséquence très marqué par le rythme et les temps. Pendant mon adolescence j’ai continué la danse, j’étais dans plusieurs crews en Espagne et en France, j’ai participé à des battles, j’ai fait des street shows jusqu’à ce que j’ai compris que j’avais des choses importantes à dire et que l’expression corporelle ne me suffisait plus. J’ai commencé le rap en 2012, au début de mon aventure en France, j’ai rencontré des rappeurs qui m’ont poussé à écrire et depuis j’ai pas lâché. Entre la danse et le rap j’ai réussi à allier musicalité et écriture ce qui me donne une vision très complète du son où chaque élément est important, le rythme, les mots, mais aussi les silences, les contres temps, les ambiances…

Tu as participé aux qualification pour l’Eurovision, quel impact sur ta carrière’?
C’était une expérience très révélatrice pour moi. J’ai compris que je savais gérer la pression et le stress beaucoup mieux que ce que je pensais. Le fait d’être en live à la télé m’a aussi montré une autre façon de travailler, j’ai dû combiner performance vocale et chorée, avec le suivi des caméras, avec les regards aux juges.. c’est un sacré exercice de coordination ! C’était aussi très intense au niveau des retours vu que d’un coup j’ai été exposé au grand public, j’ai eu pas mal de retours négatifs qui ont été difficiles à digérer, les insultes sur les réseaux sociaux questionnant mon choix de vouloir représenter la France alors que j’étais pas française, mes choix artistiques, la combinaison de plusieurs langues dans une même chanson… heureusement que j’ai reçu beaucoup de soutien aussi, justement de la part de gens qui rentrent pas dans les codes du « français de souche » et qui ont pu s’identifier avec ma personne. J’ai eu pas mal d’exposition à l’étranger aussi vu que l’Eurovision est une émission suivie par des gens dans le monde entier. Mon public en Espagne m’a découvert comme ça, ce qui m’a fait très chaud au cœur car ça m’a renvoyé à mes racines et ça m’a rapproché de la culture qui m’a vu grandir.
Ton nouveau single s’appelle “minifalada”, engagé, ce titre dénonce la représentation de la femme dans la société qu’est ce qui t’a poussé à sortir ce titre?
Je réalise depuis un moment qu’en tant que femme je dépense énormément d’énergie à me protéger, à réfléchir à comment je dois m’habiller dans l’espace public, quels transports prendre, quelles zones de la ville je dois éviter pour être en sécurité. Cette réflexion sur ma place dans l’espace publique m’a poussé à questionner ma propre éducation et m’a fait comprendre que cette insécurité est créée d’abord dans l’espace privé avec ce qu’on nous renvoie à la maison. Je viens d’une famille très catholique où on m’a toujours demandé d’être pudique, pendant longtemps on m’a dit que si je voulais porter une jupe elle devait être longue ce qui a crée des blocages en moi par rapport à mon corps et ma féminité, même aujourd’hui je suis incapable de vraiment mettre une minijupe, je ne suis toujours pas à l’aise. Cette chanson revendique ça, déjà que la minijupe est un vêtement comme un autre, que ça n’a rien d’indécent ou de provocant, et ensuite qu’elle ne devrait pas être associé qu’aux femmes pour ne pas tomber dans le piège de l’hypersexualisation des corps. Si les femmes et les hommes peuvent porter un pantalon, pourquoi pas une minijupe ?
Au niveau vestimentaire, comment définirais tu ton style?
La question fait bien le lien avec celle d’avant car j’ai un style assez éclectique. Depuis jeune on m’a appris à cacher mon corps donc j’ai vite appris à être à l’aise dans des vêtements très larges, les survêts baggys, les t-shirts et pull oversize font une grande partie de ma garde-robe. Quand j’ai commencé à faire du rap ce style m’a pas mal aidé, j’avais l’impression que m’adapter aux codes masculins me permettaient de me rapprocher de mes homologues, comme ça je faisais partie d’eux, il y avait pas d’ambiguité, pas d’attraction. J’ai compris avec le temps que j’essayais encore une fois de me protéger et que je devenais quelqu’un que je n’étais pas alors que j’avais le droit d’explorer et exposer ma féminité et être autant respectée. Aujourd’hui je joue avec les meilleurs côtés des deux mondes, le confort et l’assurance des pièces plus larges et le pouvoir et confiance que m’apportent les vêtements plus courts et près du corps. A travers les vêtements j’exprime mon identité, en jouant avec du cross dressing, inversant les codes genrés quand j’ai envie mais aussi en représentant des tissus, des éléments traditionnels et des couleurs des pays dans lesquels j’ai vécu.
Quels sont les artistes qui t’influencent ou t’inspirent?
J’ai grandi en écoutant le flamenco, le reggaeton et d’autres musiques latines mais mon adolescence a été très marqué par le Hip Hop des années 90 avec des figures comme Biggie, Nas, Lupe Fiasco mais notamment des rappeuses comme Lauryn Hill, Salt’N’Pepa, TLC, Missy Elliott, Remy Ma etc Plus tard je suis allée fouiller dans mes racines indiennes pour découvrir les chants utilisés dans le bharatanatyam par exemple. Aujourd’hui ma musique est un reflet de tout ce parcours, on ressent mes migrations à travers les différentes sonorités mais on repère mes influences par ma technique et ma façon de rapper.
Depuis six mois le monde de la culture et les artiste subissent le contre coup du Covid-19, comment as tu vécu le confinement et les mois qui ont suivis?
Ce sont des moments très durs pour les artistes, d’un côté j’ai eu l’angoisse et le stress de ne plus avoir de concerts, plus de contact avec mon public, plus d’inspiration, mais pour faire contre balance j’ai eu pour la première fois le soulagement d’une pause, même si elle était imposée, j’ai vécu ça comme un moment de paix, de calme où j’ai eu en fin l’espace mental pour me demander ce que je voulais, ce que j’attendais, ce que je devais bosser, ce que je devais améliorer. J’ai vécu ça comme une expérience très enrichissante qui m’a permis de faire le tri pour mieux avancer. J’ai aussi dû apprendre à me renouveler et créer avec moins de moyens et ressources. Mais je suis prête maintenant à reprendre, à voyager avec ma musique mais surtout à partager !

Quel sont tes projets sur 2020/2021?
Je travaille actuellement sur un deuxième album, un nouveau show, des nouvelles chansons, des nouveaux clips, des nouvelles collaborations… J’ai beaucoup de projets en cours et j’ai trop hâte de pouvoir tout partager avec mon public. Mon premier album « Commotion » qui était sorti en Mai 2019 avait été très bien reçu ce qui m’a poussé à prendre encore plus de risques et plus approfondir sur mon identité dans ce nouveau projet. Je pense que les gens vont être très surpris par mes nouveaux choix artistiques et visuels qui sont juste un reflet de mes avancements personnels, je reste comme d’habitude 100% authentique.
La plus grosse difficulté selon toi pour une artiste indépendante?
Personnellement je pense que la plus grande difficulté est la constante remise en question. Le fait de tout le temps se demander si on fait les choses bien, si on donne le max, chercher toujours à combler les marges de progression, se surpasser et se surprendre. Dans mon cas, ma musique est très personnelle elle m’a beaucoup aidé à comprendre mes traumas, mes peurs, faiblesses… Quand on est indépendant aussi on travaille avec des ressources humaines et financiers très limitées donc on apprend à faire beaucoup de choses, seule, dans peu de temps et à moindre coût, c’est très formateur mais c’est très frustrant parce qu’on ne peux pas toujours tout faire. Ma plus grande fierté à présent c’est de pouvoir dire que je vis de ma passion, grâce au régime de l’intermittence et au soutien de mon label Ovastand, mais je suis très ambitieuse et je sais qu’il n’y a que le travail d’acharné qui pourra me pousser, moi et les gens de mon entourage, vers un futur plus stable et riche en opportunités. Je sais pas comment notre futur va se présenter avec tout ce qui se passe en ce moment mais je sais que le monde ne peux pas tourner sans musique donc quoi qu’il arrive on sera dans l’œil de l’ouragan…
Ton petit mot de la fin?
J’aimerais remercier tous les gens qui me soutiennent et qui croient en moi malgré les conditions. Mon public qui réclame des nouveaux sons, le prochain projet arrive doucement mais sûrement, et vous allez pas être déçu/es !!

