Yuphoric, c’est un peu comme un petit-déjeuner continental, il est de partout et de nulle part à la fois. Le trio réunit Yuval Gantz, Sedric Perry et Ron Warburg, aussi connu sous le nom Phøn. C’est d’ailleurs sous cet unique nom que ses acolytes l’appellent dans le cadre du collectif. Bercé par les doux sons jazz et soul new-yorkais, Perry est un Berlinois dont le berceau reste Philadelphie, outre-Atlantique. Fortement marqué par le mouvement queer, il s’associera à Gantz qui incorporera petit à petit plus de rythmique à l’allemande. Fort de son expérience en temps qu’auteur-compositeur auprès d’artistes primés aux Grammy Awards, Phøn s’ajoutera au combo pour créer une mixture de néo-soul, nu-funk et de quelque chose de peu descriptible. Et, vous seriez étonnés de noter que le trio lui-même ne sait véritablement comment se catégoriser…
▷Comment vous êtes-vous connus ? J’ai entendu dire que c’était à Tel-Aviv, on est loin de Berlin…
Un ami commun avait perdu un buf (morceau de hasch) lors d’une jam session, et voyant une personne dans le besoin, Phøn essayait de l’aider à récupérer son objet manquant. Etant donné qu’ils ne le trouvaient, ils sont retournés à l’appartement où résidait Gantz et voilà comment tout a commencé.
▷Était-ce un projet impromptu ou un souhait que vous nourrissiez seul depuis des années, du coup ?
Depuis que nous nous sommes rencontrés, nous faisons de la musique ensemble à la fois dans la sphère live et en studio. En 2019, Phøn est venu de New York pour rendre visite à Gantz à Berlin et a écrit quelques chansons en collectif après quelques années de séparation. Le tout sonnait bien et nous avons décidé de continuer à travailler ensemble et d’établir un projet.
▷En parlant de Berlin… Quand on vous écoute, les sons de Yuphoric font plutôt penser à un groupe new-yorkais. D’après mon humble expérience, c’est so Berlin. Ce cosmopolisme. Selon vous, pourquoi les artistes indépendants berlinois sont-ils si vintage ou impossibles à ancrer géographiquement et temporellement ?
Nous pensons que Berlin est un espace de créativité très ouvert d’esprit, qui a attiré des gens du monde entier avec leur goût et leur influence pour créer un creuset de genres. L’énergie en plus du niveau de vie permet aux artistes de subvenir à leurs besoins tout en étant créatifs et expérimentaux (contrairement aux autres métropoles). À l’heure actuelle, Berlin est connue pour sa scène musicale électronique, mais étant ici, nous pouvons témoigner qu’il existe de nombreux artistes qui construisent la communauté Hip-Hop, Soul, R&B et beat. C’est encore relativement nouveau mais on sait que dans quelques années Berlin deviendra une autre capitale musicale pour ces genres.
▷Justement, parlons de votre nouvelle chanson “Mom’s song”. Celle-ci mentionne l’émergence d’un artiste sur la scène musicale même lorsque les autres ne croient pas en vous. Je suppose qu’il y a quelque chose de très personnel là-dedans, que ce soit pour vous ou MERON. Comment s’est déroulée votre ascension en tant qu’artiste ?
C’est loin d’être achevé, haha… Être un artiste signifie énormément lutter. Cela demande une persévérance infinie. Lorsque nous nous sommes rencontrés tous les trois pour écrire la chanson, le sujet a été abordé et chacun de nous a pu le raconter à sa manière. Qu’il s’agisse des critiques de votre famille, de vos pairs ou de vous-même, vous devez vous montrer à la hauteur chaque jour pour passer cet obstacle.
▷Vous êtes sur le point de sortir votre nouvel album complet cette année intitulé New Normal. À quoi devons-nous nous attendre ? Peux-tu nous spoiler un peu les genres musicaux que tu vas explorer, les différences entre tes projets passés/actuels et celui-ci, sa singularité ?
Cet album est un mélange de genres et de sons que nous aimons, de la batterie qui fait fondre le visage aux instrumentaux cinématographiques. Vous pouvez également vous attendre à des lignes de tête R&B fluides, à des couplets de rap percutants et à toutes ces bonnes choses. Contrairement à notre premier EP, cet album est une compilation d’artistes vedettes qui apportent leurs propres influences et goûts, ce qui a créé un plus large éventail de sons sur l’album. Spoiler alert : Nous adorons collaborer avec des chanteurs, mais nous venons d’un milieu riche en rythmes, nous avons donc dû inclure deux instrumentaux.
▷Cool. Les influences musicales et stylistiques de vos projets sont d’ailleurs assez uniques. Comment classer votre art ? Ou peut-être que ça ne devrait pas l’être ?
C’est drôle que tu poses la question. Puisque tu nous en as donné l’option, nous devrions dire “cela ne devrait pas l’être”, mais si toi ou les lecteurs découvrez dans quelle catégorie cela peut être classé, veuillez nous le faire savoir.
▷Difficile à dire… D’ailleurs, New Normal est un titre unique en son genre. Selon la philosophie durkheimienne, qu’est-ce qui est « normal » pour vous ? Les comportements très courants dans la société ou la soi-disant violation des normes sociales au niveau individuel ?
Sur le plan humain personnel, le mot «normal» ne signifie rien pour nous, car chaque personne est sa PROPRE personne. Au cours des dernières années, il semble que la société dicte progressivement de plus en plus de schémas « normaux » et tue ainsi le penseur individuel.
▷Que ce soit à travers votre musique, vos artistes en feat, votre art est imprégné de cette question de normes, d’identité, de perception vs perception de soi. Est-ce une coïncidence ?
Lorsque vous écoutez notre musique, le seul but est que vous en profitiez, que vous soyez en train de danser, de plonger dans une profonde introspection ou de fumer un joint. Chaque chanson du disque est un cocktail de conversations entre nous et les artistes en feat qui ont mené à une histoire cocasse ou à un concept plus profond. Nous espérons que notre musique pourra être un outil utilisé non pas pour différencier les normes et les identités, mais plutôt pour connecter les gens au-delà d’eux.
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